jeudi 24 novembre 2016

Comment Buffy a changé ma vie

Article paru dans le magazine en ligne l'Imaginarius, en juin 2012.

Comment Buffy a changé ma vie

Par Sklaerenn Baron

 


J’avoue : je suis aujourd’hui une fan inconditionnelle de cette fameuse série qu’est Buffy contre les vampires, de même que d’Angel (spin-off réussi de Buffy) et du Whedonworld en général. Pourtant, je dois bien avouer que cela n’a pas toujours été le cas et que la première saison de Buffy, par exemple, m’avait laissée dubitative. Au bas mot. En fait, lorsque j’ai découvert Buffy pour la première fois, je trouvais vraiment que ça faisait trop ado, même si c’était plutôt rigolo. Il faut dire que je n’étais plus une ado moi-même, depuis quelques années. Et là, je ne parle pas du film, que j’ai vu seulement après la série et qui n’était pas vraiment transcendant, mais bel et bien de la série.

Néanmoins, avec l’arrivée des personnages de Spike et Drusilla, dès la saison 2, j’ai commencé à accrocher, et finalement, j’ai trouvé la série géniale et très inventive, souvent drôle, parfois émouvante. Mon personnage préféré est resté Spike, du début à la fin, mais j’avoue avoir de la tendresse (beaucoup) pour nombre d’autres personnages, notamment Alex, Tara, Oz… Cependant, je dois bien avouer que c’est le personnage de Spike, extrêmement romantique pour un vampire sans âme et vraiment très drôle, et l’interprétation de James Marsters, dont je trouvais le jeu d’acteur formidable, qui m’ont définitivement convaincue de suivre les aventures de Buffy jusqu’au bout.

 

Mais au-delà de l’aspect divertissement et évasion que cette série a eu pour moi comme pour de nombreux autres fans, il me faut dire, en y réfléchissant, que Buffy a bel et bien changé ma vie, du fait de tout un enchaînement de prises de conscience et de rencontres qu’elle a provoquées pour moi. Au final, la découverte de la série, en tant que spectatrice, a été le début d’une véritable aventure personnelle qui m’a entraînée bien plus loin que ce que j’aurais imaginé, et bien loin de ce point de départ également.

Je vais passer sur l’aspect « j’ai regardé la série en VO tellement j’étais fan et ça a drôlement amélioré mon anglais d’un seul coup » (bien que ce soit vrai). Je vais aussi passer sur l’aspect « moralement éducatif » dont plein d’autres ont déjà parlé (cf., par exemple, le livre « Que ferait Buffy ? La Tueuse de vampires comme guide spirituel » de Jana Riess). Pour beaucoup, Buffy semble en effet avoir changé la façon de penser, car même si l’héroïne n’est pas parfaite et possède des côtés sombres (comme pratiquement tous les personnages de la série), elle peut très bien être un modèle pour beaucoup, notamment par le dévouement et la solidarité dont elle fait preuve. Cela n’a pas été mon cas, car comme je le disais plus haut, j’avais déjà un certain âge et je m’étais déjà moralement et psychologiquement construite.

 

Non, pour moi, c’est artistiquement que la série Buffy a été une véritable révolution. Avant tout, c’était à mes yeux une série culte dont j’attendais chaque nouvelle saison avec impatience et dont j’ai regretté l’arrêt, même si le final, à mes yeux, a été exceptionnel. J’en appréciais autant les clins d’œil à la culture populaire, la bande originale (qui m’a permis de découvrir nombre de nouveaux groupes musicaux que j’écoute encore toujours lorsque j’écris, aujourd’hui) que l’humour ou les histoires elles-mêmes. De plus, étant donné mon « grand âge », j’avais déjà acquis assez de culture générale pour apprécier la richesse de ces histoires et les différents niveaux de « lecture ». La série n’a pas été culte que pour moi, d’ailleurs, car il faut voir l’engouement qu’elle a provoqué autour des vampires. Toute la littérature actuelle, mais aussi les films et les séries, bref tout l’imaginaire tournant autour de ce sujet a également été révolutionné par Buffy. C’est à partir de ce moment-là que les vampires sont vraiment revenus sur le devant de la scène, comme sujets de fiction, et toutes les œuvres qui ont suivi se sont très souvent plus ou moins inspirées de cet univers. Buffy a renouvelé le genre.

De ce point de vue, je dois dire que j’ai été beaucoup moins marquée par le fait que des jeunes femmes tout à fait ordinaires, en apparence, étaient capables de se battre (chose qui a toujours été une évidence pour moi) que par la présentation des vampires dans cette série. Buffy a changé ma propre vision des vampires. Ou plutôt, cela a conforté la vision que j’en avais intuitivement mais que je ne savais trop comment exprimer et que je ne retrouvais nulle part ailleurs. Buffy a éclairci cette vision.

J’ai toujours aimé le mythe du vampire, et quand j’ai découvert Buffy, j’avais déjà lu Bram Stocker et Anne Rice, et bien entendu, j’avais vu le film de Coppola, que j’avais adoré à tous points de vue, et celui d’Entretien avec un Vampire. Je me retrouvais plus dans le premier que dans le second, d’ailleurs, même si j’étais fan de Brad Pitt et de Tom Cruise, parce que dans le premier, Dracula n’a pas d’âme… et donc pas d’états d’âme, et ce, même s’il est amoureux ! Il reste un damné, qui s’est révolté contre Dieu, et un prédateur qui se nourrit des vivants, que ce soit de leur sang ou de leurs émotions. Un être pervers qui prend plaisir à pervertir les innocent(e)s. A l’inverse, les vampires d’Anne Rice, bien que fictionnellement très intéressants, me paraissaient un peu trop éloignés, selon moi, de ce que devait être un vampire, comme s’ils étaient toujours dotés de leur âme, justement. Je parle ici au-delà du simple plaisir de lire ou regarder une œuvre divertissante de qualité, bien entendu, car de ce point de vue, je n’ai absolument pas boudé mon bonheur de lectrice ou de spectatrice.

Mais c’est bien cet aspect sans âme et démoniaque du vampire que j’ai retrouvé dans la série. L’héroïne le répète sans arrêt : les vampires sont mauvais, ils sont dangereux, ils n’ont pas d’âme et ne peuvent donc être considérés comme des êtres humains mais comme des démons. Cette vision des vampires correspondait tout à fait à l’idée que j’en avais, et j’aimais également tous les messages secondaires que les scénaristes et le créateur, Joss Whedon, faisaient passer à travers eux, puisqu’au final, tout ceci n’était qu’une parabole sur nos luttes intérieures, les choix auxquels nous sommes confrontés, etc.

 

Dès lors, Buffy m’a donné envie d’écrire sur les vampires. Cependant, je ne me suis pas lancée tout de suite, je ne m’en sentais pas capable. J’écrivais déjà, j’ai toujours écrit, mais pas du tout dans ce domaine, vraiment nouveau pour moi. Il m’a fallu le déclic, et il est venu beaucoup plus tard. Curieusement, Stephenie Meyer (dont j’ai apprécié les histoires, malgré tout ; je suis plutôt bon public, il faut dire !) et sa vision totalement erronée du vampire (à mes yeux ; avis qui n’engage que moi) a été une forme de déclic, et je me suis dit que si elle arrivait à écrire des histoires que les lecteurs appréciaient, pourquoi pas moi ? Mais elle n’a pas été le seul déclencheur. Il y en a eu d’autres, et de plus importants.

A l’arrêt de la série Buffy, j’ai ressenti un véritable manque, pour dire à quel point j’étais devenue fan, et j’ai eu envie de prolonger l’aventure. J’ai acheté et lu tous les romans issus de la série (même ceux non traduits en français). Puis j’ai acheté les comics qui racontaient la suite de la série. J’ai fait de même avec les comics racontant la suite d’Angel. Cela m’a permis de découvrir de nouveaux artistes et écrivains dont je me suis mise à apprécier les talents de conteurs, que ce soit graphiquement ou littérairement.

Mais ça ne suffisait pas. Buffy m’avait rendue « accro » aux vampires et je n’arrivais plus à avoir ma dose. A partir de là, j’ai donc lu tout ce qui me tombait sous la main sur le sujet, mais j’avoue avoir été souvent déçue par la vision par trop romantique et trop humaine des vampires dans la plupart de ces fictions, même si, pour le reste, c’était souvent de qualité.

 

Finalement, un beau jour, j’ai compris qu’il fallait que je me lance pour de bon et que je crée ma propre histoire. J’ai rédigé un premier jet, en quelques semaines. Et j’ai eu envie d’un conseil, d’un avis extérieur, de préférence de la part de quelqu’un qui avait l’expérience de ce genre de choses. J’ai ressenti le besoin d’être guidée, car je n’étais pas sûre que ma petite création tenait la route. C’était trop nouveau pour moi.

C’est alors que je me suis tournée vers les artistes que j’avais découverts grâce à Buffy et que j’avais appréciés. La magie de l’internet m’a permis de pouvoir en contacter quelques-uns, et parmi eux, il y eut Jeff Mariotte. Jeff est un auteur américain très riche, tant sur le plan personnel que professionnel. Il a écrit plus de quarante-cinq romans, a travaillé comme libraire et rédacteur dans des maisons d’édition. Pour ma part, je l’ai d’abord remarqué parce qu’il a écrit les livres de Buffy et d’Angel que j’ai préférés, parfois seul, parfois en collaboration avec d’autres auteurs. Je lui ai donc envoyé un message, ainsi qu’à d’autres auteurs, sans savoir encore le genre de personne qu’il était. Mais j’étais déjà bien consciente que, si jamais il me répondait, il était un de ceux dont l’avis compterait le plus.

Or Jeff m’a répondu, et très vite, en plus. Il s’est montré accessible et disponible. Il a lu ce que je lui avais envoyé, il m’a donné son opinion, qui a été déterminante pour moi, et des pistes de travail ; il m’a conseillée et m’a aidée à créer au mieux mon propre univers. Il a vraiment été d’une grande gentillesse et m’a soutenue dès le début dans ce projet de livre. Je lui dois beaucoup. Jugez un peu : presque deux ans plus tard après le premier message que j’ai envoyé à Jeff, à l’heure où j’écris ces lignes, le livre est au bord de sortir en librairie et Jeff lui-même a accepté d’en écrire la préface !

Cette préface a représenté un cadeau extraordinaire pour moi. Et quand je considère le chemin parcouru et que je vois le résultat, je me dis que c’est comme si la boucle se bouclait : une nouvelle œuvre est née ; elle est ce qu’elle est, loin d’être parfaite, mais c’est la mienne et elle résulte de ce cheminement personnel et artistique que Buffy a déclenché en moi. La préface de Jeff en est comme un signe. Il est probable que sans Buffy, et surtout sans Jeff, mon propre livre n’ait jamais vu le jour. Et en cela, Buffy a vraiment changé ma vie. Merci, Joss Whedon ! Et merci Jeff, of course.

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